Ça commence cliché, dans un café sur Ontario, dans le coin pas de nom entre le Centre-Sud et Hochelaga. On se rencontre pour jaser « business », mais ça s’étire au-delà, fait longtemps qu’on se connait, qu’on s’apprécie. C’était pas censé être une entrevue, mais comme on a fait le tour de ben des affaires, y’a de quoi à faire avec ce qui aurait pu n’être qu’une bonne jasette.
Le prétexte, c’est son projet solo qu’il a commencé avec Dj Horg. C’est embryonnaire, mais il est excité, content de se remettre en mode créatif. Gatineau aussi est reparti, sollicité pour un festival, mais avec l’intention d’aller plus loin, le fun est revenu et l’avenir semble positif. Mais impossible de parler de Gatineau sans parler de « Karaoke King », l’album maudit, qui a fait débouler le band en bas du stage et signifié le break qui s’est achevé récemment. Créé dans une tempête de plein d’affaires, l’album a reçu de tièdes critiques et le reste s’est défilé à partir de là. Peu de support du label, pas de shows, c’était le cul-de-sac et les boys sont partis chacun de leur côté.
Seba s’est investi comme DJ et a éventuellement rencontré ceux qui allaient devenir ses collègues de Cargo-Culte, projet prometteur, mais qui n’a jamais vraiment eu la chance de quitter le quai. Ça a été quand même un plus dans son parcours et une façon de se réapproprier sa propre personnalité. L’aventure de Gatineau a été telle pour Éric Brousseau que Seba/Mc Brutal ont pratiquement effacé l’homme derrière les personnages. Et que dans la tempête de plein d’affaires, y’avait ça. Il avait un besoin d’équilibre et ça l’a mené à laisser tomber une couple de vices. Et que malgré tout, prendre une distance entre lui et Gatineau, c’était peut-être la meilleure affaire qui pouvait lui arriver à ce moment-là.
Frustré par la déconfiture de Cargo-Culte, il doutait de revenir sur scène un jour. Mais après un certain temps, il testait quand même Keuk pour voir si y’avait de quoi à faire avec Gatineau. Ça branlait, mais ce n’était pas un non non plus. Juste assez pour redonner le goût au MC de s’y remettre. L’étincelle était revenue. Ses années de DJ lui ont donné également un désir de revenir aux racines du rap, à ses racines, et de s’approcher un peu plus des reals . D’où le projet avec DJ Horg, parce que comme real, c’est dur à battre et qu’à la base de la carrière de Seba, Horg a été son teacher, c’est même de lui que son patronyme est venu, bref un retour aux sources pour se pitcher dans le futur.
Le fait d’avoir ce projet en plus de Gatineau libère Seba d’avoir à choisir entre le définitivement Nu School/hybride/wtf de Gatineau et d’où il vient, le rap pur des 80’s. L’un n’empêche plus l’autre. Il a trouvé ses exutoires. Ce qui rend l’artiste fébrile à l’idée de retrouver son stage et de pouvoir dire ce qu’il à dire, de la façon qu’il le désire. Et ce, bientôt.
Parce que comme artiste, Seba a signé une œuvre qui a laissé une marque dans la discographie québécoise, avec une interprétation scénique unique qui a marqué quiconque a pu y assister. Sans entrer dans une appréciation subjective de cet apport, une voix comme la sienne est nécessaire encore aujourd’hui, même plus si on considère son futur projet avec Horg, comme un pont entre les différentes écoles du rap qui se dispute l’attention d’un public qui s’y perd un peu face à la multitude et qui n’est pas nécessairement conscient de cette diversité.
Et que, c’est peut-être plate à dire, qu’un artiste est souvent plus intéressant si il a connu l’adversité et qu’à ce rayon, Seba s’est donné et que la suite promet si cet adage s’applique. Il n’est plus jeune jeune, mais justement. L’écosystème musical actuel n’est plus l’affaire de la nouvelle saveur du jour, mais d’une réappropriation perpétuelle d’éléments du passé magnifiés en HD. Si Seba peut se servir de Gatineau pour ouvrir de nouvelles portes, go man. Le besoin est là et c’est peut-être à lui d’en combler une partie. À voir si ça va réussir, mais encore là, souvent le trajet est plus intéressant que la destination et ici aussi, Seba a livré la marchandise. Pas riche dans les poches, mais millionnaire dans le cœur. C’est mieux que ben des affaires.

Patrice Caron
Chroniqueur