On y revient toujours. Depuis l’arrivée de l’internet grand public, l’industrie culturelle s’est vue forcée de réinventer son modèle économique, avec des succès et des échecs en cours de route, des secteurs complètement disparus ou presque, des milliers d’emplois abolis, etc., etc.

Au Québec, comme probablement dans la plupart des régions culturelles distinctes, les défis étaient préexistants à l’arrivée de ce nouveau média, mais celui-ci est venu les exacerber et aujourd’hui, cette pression commence à peser lourdement sur les moins solides de la pyramide et celle-ci s’écroulera également si ses bases s’effondrent.

L’argument de l’offre et la demande ne tient pas quand on parle de culture. Parce que pour arriver au produit final, populaire et profitable, le top de la pyramide, ça prend le reste de la pyramide. Même si certaines parties ne sont pas profitables dans l’immédiat, leur présence est essentielle pour son intégrité.

Prenons l’exemple de la musique. Pour arriver à une Safia Nolin qui ramasse des trophées, qui score sur iTunes et tout le reste, ça a pris un réseau alternatif pour la former et la préparer à arriver au top. Et ça prend plein de musiciens pour que ce réseau existe, il n’apparaît pas quand Safia Nolin arrive. Qui joue avec des musiciens qui sont aussi dans d’autres formations et qui font rouler ce fameux réseau.

Celui-ci existe depuis plus de 100 ans, avec la Bolduc, Roger Miron, Offenbach, Voivod et les autres, qui évolue et se transforme selon l’époque, avec un développement intensifié depuis l’avènement du rock’n’roll et un semblant de stabilité depuis les années 2000. Mais comme la politique et le climat social influent aussi sur la culture, des engagements ou désengagements pris par les différents paliers politiques ont eu ces dernières années des effets dangereux pour l’intégrité de ce réseau nécessaire pour le vivier de talents qu’est le Québec.

La situation que vit le Divan Orange en ce moment est un cas d’espèce de cette situation. Au lieu de protéger une entreprise qui donne le ton du genre de quartier qu’on se vante d’avoir, on le rend vulnérable et à la merci du moindre coup de vent avec des réglementations qui les désavantagent par rapport aux autres entreprises. C’est plate quand une quincaillerie centenaire ferme, mais il y a des alternatives quand tu te cherches un marteau. Quand un petit lieu de spectacle ferme, ce n’est pas la Place des Arts qui prend le relais. Et à moins qu’un autre lieu ouvre à sa place, ce qui est peu probable vu les difficultés, une pierre de la pyramide s’affaisse.

Tout se fonde sur ce qu’on veut vraiment. On ne peut pas affirmer une chose et faire son contraire. Dire que la culture c’est essentiel et ne pas lui donner les moyens de survivre ou d’évoluer. De ne pas la protéger à tout prix. D’asphyxier celle qui ne fait pas consensus ou qui dérange. Parce que oui, il y aura toujours des artistes. Mais des entrepreneurs et autres travailleurs culturels qui leur font de la place, non. La passion, ça ne remplit pas le frigidaire. Et si le système a essayé de pallier au manque en transformant plusieurs d’entre-eux en quêteux du sociofinancement ou des subventions, ce n’est vraiment pas assez pour ce que ça coûte en dignité.

Il est temps qu’on mette l’argent qui va avec les discours. Parce qu’on veut bien s’attaquer aux défis mondiaux auxquels fait face l’industrie culturelle, mais si on n’est pas capable de garder notre maison, à quoi bon ? Y’a des limites à ce qu’on peut faire pour réinventer la roue et mettre de la bouffe sur la table. Si vous voulez vraiment une culture qui vous est propre, faites de quoi, parce que maintenant, ça ne paraît pas.

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