La fermeture prochaine des 102 succursales canadiennes de HMV, la dernière grande chaine de détails de musique au Canada disparait et laisse un trou béant dans la distribution physique de la musique au niveau national.

Il ne reste plus que les grandes surfaces comme Wal-Mart et Best Buy pour tenir quelques tablettes de disques et il ne serait pas surprenant de voir ces tablettes disparaitre elles aussi. Au Québec, il y a encore Archambault et Renaud-Bray, probablement quelques Polysons et autres microchaines pour offrir une vitrine à ces produits qui ne vendent plus assez pour justifier une structure d’envergure comme l’était les HMV. Et bien sûr les disquaires indépendants qui, pour la plupart, savent comment servir un marché ciblé pour soutenir ce genre d’entreprise.

Prévisible et inévitable, cette fermeture est un autre clou dans le cercueil de l’industrie du disque au Canada. Avec toutes les conséquences qu’elle engendrera, c’est un pan complet qui se trouve affecté, avec des pertes d’emplois et d’autres fermetures à prévoir. C’est aussi une culture qui s’étiole un peu plus.

Jadis, le marché de la musique était séparé selon les régions. Et au bon vouloir de ceux en charge, tel ou tel produit était disponible ici ou non. Ça dépendait de plein de facteurs, des moyens de la compagnie de disques de soutenir une telle distribution ou encore des goûts de ceux qui s’en occupaient. Et il y avait le marché local, unique ou presque à chacun, qui donnait une identité propre à chaque magasin et qui justifiait la multitude de magasins présents un peu partout. Mais les consolidations au sein de l’industrie ont eu pour effet de faire disparaitre cette sensibilité, tout en absorbant (ou en tuant) les équipes locales. Les magasins ont suivit la même tendance, en devenant plus gros, plus général, etc.Les plus petits n’ont pu y résister et plusieurs boutiques « Mom & Pops » sont alors disparues. Les considérations économiques ont forcé la fermeture graduelle de beaucoup de ces magasins, bien avant la révolution numérique. Celle-ci est par contre venue mettre en péril à son tour le concept de grande surface et aura fini par le rendre obsolète. Ceux-ci ont bien tenté de stopper l’hémorragie avec des produits dérivés, mais il était déjà trop tard, les clients n’étaient plus assez nombreux pour justifier une telle surface.

La disparition de HMV sonne le glas de cette forme de commerce au détail. Les répercussions dans le réseau de production auront aussi des conséquences pour ceux qui lui survivent. Et à part les irréductibles disquaires indépendants, qui aura assez de cœur et d’obstination pour continuer à pratiquer le commerce d’un produit que plusieurs jugent désuet et dépassé ?

Il y a bien la résurgence du vinyle pour donner de l’espoir, sa presque absence des HMV étant évoquée comme une des raisons qui expliquent la situation, mais avec 660 000 unités vendues au pays en 2016, même si c’est honorable, ce n’est clairement pas assez pour rentabiliser 102 magasins. Si on y ajoute la marge de profit possible pour l’objet, on est très loin du profit potentiel d’un CD ou d’un cossin « made in China », ceci expliquant cela.

On ne peut constater la baisse des ventes d’albums et être surpris que ceux qui en font le commerce aient de la difficulté à se maintenir. La disparition de cette enseigne aura peut-être, on l’espère, un effet bénéfique sur les autres commerces du genre. Mais pour se faire, il faudra un changement d’attitude envers ce produit et à moins d’une campagne de publicité à grand déploiement fortement improbable, le commun des mortels va de plus en plus adopter le format qui tue les autres, jusqu’à ce qu’il ne reste que ça. Ou presque.

Le vinyle, le CD et même la cassette risquent de durer longtemps, mais pour un marché niché et exigeant. Ceux qui auront le courage et le flair s’en tireront le mieux. Mais pour ceux pour qui vendre un CD, c’est l’équivalent de vendre une tasse de Star Wars, c’est pas mal le dernier moment pour se réorienter. Le grand fade-out est amorcé et il ne restera bientôt que les silences des pancartes « À louer ».

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